Semaine Religieuse de Carcassonne
1 June 1967, pages 363 -364



Mise au point et mise en garde


Depuis quelques années, notre vieux Razès est périodiquement le théâtre de recherches décevantes, de fouilles passionnées, de publications à sensation. De ce raz-de-marée l’épicentre se situe, comme il se doit, à Rennes-le-Château, pour s’étendre en zones concentriques à Coumesourde, à Rennes-les-Bains, au plateau des Fées (las Brugos), à Blanchefort, à Campagne-sur-Aude, bref à ce haut-lieu wisigothique chargé d’histoire sans doute, mais plus encore, aujourd’hui, de légendes et inondé de documents apocryphes.

On affirme, sans hésiter, qu’un trésor est caché dans une ancienne nécropole, que l’Evêché de Carcassonne connaît l’existence de cette nécropole mais se refuse à en dévoiler le secret (voilà pourtant qui résoudrait le problème ardu des finances diocésaimes!), qu’une croix, élevée avec plusieurs autres en 1856 par l’abbé Vié, curé de Rennes-les-Bains et située dans le porche de l’église, est chargée de mystère, que sa dédicace “Domino Vié Rectore” est un rébus, que la tombe elle-même du cher abbé Vié est un lieu géométrique plein de sens, qu’un tableau de l’église a une signification ésotérique (la couronne d’épines devenant alors un poulpe ou une chevelure de Gorgone), qu’une tête sculptée recueillie sur le plateau par l’abbé Boudet et représentant pour lui le Christ n’est autre que celle de Dagobert, voire Dagobert II, qu’un ouvrage de piété du même abbé Boudet (“Lazare, veni foras!”), a été mis au pilon sur l’ordre de l’Evêché de Carcassonne, - et autres affirmations de la même veine.

L’explication de la fortune – et ses dépenses – d’un ancien curé de Rennes-le-Château, l’abbé Saunière, mort en 1917, s’étend en une riche gamme de suppositions, des profits de l’espionnage de guerre à la découverte d’un trésor wisigoth, ou cathare, ou royal, ou des Templiers.

Après tout, la recherché des trésors est une saine distraction, même si elle n’est pas fructueuse. Et les oeuvres d’imagination, même d’une imagination débridée, ne justifieraient pas une quelconque mise en garde, dans une Semaine Religieuse qui, par nature, se doit d’être pacifique!

Il en serait autrement si un auteur publiait un jour des documents falsifies, des adresses inexistantes, des ouvrages inventés (et, bien entendu, “photocopiés”) et en attribuait la possession ou la paternité à tel ou tel de nos prêtres décédés. L’un de ceux-ci, notre condisciple l’abbé Courtauly que nous avons si bien connu, homme humble et effacé s’il en fut, devient, dans une “publication” du 22 octobre 1966, une figure de proue du “clergé français (qui) bouge et pas toujours dans la sens de Rome”! Le triple malheur est que l’abbé est mort et ne peut se defendre, que la publication en question, dite “Semaine Catholique Genevoise” n’est pas connue da l’évêché de Fribourg et Gèneve, que ce “document” (et d’autres du même métal) ne consiste, comme il faut s’y attendre, qu’en photocopies d’un original invérifiable et vraisemblablement truqué.

Jusque là, il était permis de sourire. A partir de là, il n’est plus possible de se taire. Nous avons maintenant, après une longue enquête, tout un faisceau de preuves et de présomptions. Et parce que la réputation de nos prêtres est chose sacrée, on voudra bien retenir de ce qui précède que nous ne les laisserons pas attaquer injustement, que nous ne permettrons pas que leurs noms soient utilisés à des fins douteuses ou commerciales, et que notre Association de Défense sacerdotale n’hésiterait pas, au besoin, à s’adresser aux juridictions compétentes.

Georges BOYER, Vicaire Général.





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