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L’Indépendant
9 December 1967


“L’OR DE RENNES”: un livre prétendument historique… où la “réalité”, à chaque page, dépasse la fiction!

Dans nos éditions du 18 novembre et du 3 décembre, nous avons consacré des articles au prétendu trésor de Rennes-le-Château. Dans la même période apparaissait dans la vitrine des libraires une livre de M. Gérard de Sède, intitulé: “L’or de Rennes ou la vie insolite de Bérenger Saunière, curé de Rennes-le-Château”. Le moins que l’on puisse dire est que l’auteur de cet ouvrage aboutissait à des conclusions fort differentes des notres.

La thèse de M. de Sède ne s’appuyait malheureusement point sur des bases historiques solides. Dans “L’Indépendant” du 29 novembre, M. Jean Dunyach avait montré on ne peut plus clairement ce qu’il convenait d’enpenser.

Mgr Boyer, à son tour, s’est penché sur ce livre surprenant. La communication qu’il a faite à son propos. Il y a quelques jours, devant la “Société des Arts et des Sciences” est particulièrement severe.

Des contre-vérités innombrables

“Nous nous trouvons”, écrit Mgr Boyer, “en présence d’un étonnant mélange de quelques faits historiques et de grossières erreurs, mélange qui n’a de nom dans aucune langue! C’est un roman à suspense, fruit de l’imagination débordante d’un auteur qui ne manque pas de talent, mais procède par insinuations et affirmations péremptoires, sans se préoccuper de fournir sources et preuves.”

“On peut, par example. relever sept erreurs dans les quatorze dernières pages, destinées à donner aux chercheurs un frisson et intitulées “Un certain danger”. J’avais eu la pensée de faire, page après page, une recension des innombrables contre-vérités qui jalonnent le livre.”

“Ce serait faire à celui-ci beaucoup d’honneur. Voici simplement, à titre d’échantillons, quelques-unes d’entre elles.”

Un énumération fort édifiante

Et Mgr Boyer d’énumiérer les principales erreurs – les énormités, pourrait-on dire – qui émaillent le livre de M. de Sède et lui donnent en quelque sorte, tout son piquant:

- Page 14: L’abside romane d’Alet, un ancien temple de Dianne? Quel est l’archeologue qui oserait aujourd’hui soutenir cette these?

- Page 62: L’auteur a “de bonnes raisons de penser” (mais il ne nous dit pas lesquelles) que Mgr Billard a reçu de Bérenger Saunière un don de un million-or pour la restauration de Prouille! Aucune souscription ne mentionne ce don et à la mort du prélat, les travaux furent arrétés, faute de ressources, et n’ont jamais été repris.

- Page 30: Bérenger Saunière revient à Carcassonne après une “liaison”, à Paris, avec une cantatrice. L’auteur a sans doute “de bonnes raisons” de penser que ce dernier fait est exact? En tout cas, l’abbé donne à son vieil évéque des explications si peu claires sur l’affaire des manuscrits que Mgr Billard n’hésite pas en mars 1901, dit l’auteur, à aller lui-même à Paris pour tenter d’élucider l’affaire. Or, Mgr Billard, physiquement très diminué et quasi retiré à Prouille, les deux dernières années de sa vie, devait mourir en décembre 1901 et eut été bien incapable de faire en mars le voyage à Paris.

- Page 51: L’abbé Courtauly, auquel le livre est dédié et dont j’aimerais bien entendre “l’enregistrement sur bande magnétique” n’a jamais été “curé” de Villarzel. Il y est né et il y est mort. Il n’a jamais “refusé d’ouvrir sa porte” au vicaire général, son condisciple et ami – et c’est d’ailleurs au nom de cette vieille amitié que j’ai cru devoir prendre et prendai sa défense. C’est sa vieille soeur, gardienne farouche de la santé de son frére, qui consignait sa porte aux visiteurs.

- Page 191: L’Abbé Boudet n’a jamais eu des ennuis avec l’Evéché, mais avec le municipalité de Rennes-les-Bains, pour une question de bail du presbytère au moment de la séparation. Et l’Evêché n’a jamais détruit “devant lui” (ni derrière lui) son livre “Lazare”.

- Page 56: Que l’abbé Saunière ait reçu les sacraments deux jours après sa mort est absolument invraisemblable. Et que le cher abbé Rivière, curé d’Espéraza, mort en 1929, doyen de Coursan où je l’ai bien connu, n’ait jamais plus ri après la mort de l’abbé Saunière qu’il avait administré, c’est encore autre chose car je l’ai vu moi-même rire aux éclats.

- Page 107: Ici, la parole est aux artilleurs de notre compagnie. En 1361, Trastamare et ses routiers d’Aragon tirent au canon sur la poudrier de Rennes-le-Château et la font sauter. Une artillerie de routiers, au milieu du XIVe siècle et la “poudrière” de Rennes me laissent rêveur quand je songe que, pour la première fois dans l’Histoire, c’est en 1346, à la bataille de Crécy, que les Anglais ont fait parler la poudre. Mais Rennes-le-Château était sans doute en avance sur l’horaire!

“Un brin de folie”

Mgr Boyer en vient ensuite au chapitre consacré à la Croix du vestibule de l’église de Rennes-le-Château. Et d’exprimer sa stupefaction devant l’interprétation donnée par M. de Sède à l’inscription du socle. Mais l’auteur n’en est pas à une fantaisie près.

“Que conclure de tout cela? se demande Mgr Boyer. Quelle explication donner de tant de suppositions, de tant d’imagination? C’est l’auteur qui va probablement nous la fournir lui-même à la page 184. En pariant des chercheurs décus, il écrit: “Ils ignoraient que l’outil du chercheur n’est ni le pic ni la pioche, c’est la tête. Il leur manquait aussi ce brin de folie qui seul peut éperonner le raisonnement vers les plaines de la découverte…”

Et Mgr Boyer souligne: “Un brin de folie…”



Rennes-le-Château Timeline

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